
15 septembre 2025
Au sein des murs du Pôle Média Culture de Colmar, une exposition se déploie jusqu'au 29 septembre. Portée par l'association Colm'Arc-en-ciel, "Homosexuels et lesbiennes dans l'Europe nazie" met en lumière l'une des facettes les plus méconnues de la Seconde Guerre mondiale.
Pendant des décennies, le sort réservé aux homosexuels et aux lesbiennes par le régime nazi est resté dans l'ombre. Victimes doublement marginalisées, ces hommes et ces femmes ont longtemps été les grands oubliés de la mémoire collective. "Il nous semblait important de mettre l'accent sur un pan de l'histoire qui est peu connu, qui a longtemps été tabou et qui a fait l'objet de recherches seulement depuis peut-être quelques années", explique Dominique, membre de l'association. Cette exposition itinérante, créée par le Mémorial de la Shoah de Paris entre 2020 et 2022, constitue le fruit de recherches historiques rigoureuses menées sous la direction de Florence Tamagne, historienne spécialiste de ces questions.
L'exposition se déploie à travers une vingtaine de panneaux qui retracent l'évolution dramatique du sort réservé aux homosexuels et aux lesbiennes durant cette période. Elle accorde une attention particulière aux spécifités territoriales, notamment la situation dans les territoires annexés comme l'Alsace-Moselle. Une approche géographique qui permet aux visiteurs alsaciens de mesurer concrètement l'impact de ces politiques répressies sur leur propre territoire. Le parcours débute avec la situation de l'homosexualité dans les années 1920, avant d'aborder la montée du nazisme, les premières persécutions, les fichages systématiques et les déportations en camps de concentration.
Les lesbiennes, victimes invisibles
Un des aspects les plus remarquables de cette exposition réside dans la place accordée aux femmes lesbiennes, trop souvent absente des récits historiques sur cette période. "Pour les camps, on pense beaucoup au triangle rose donc aux hommes. Les femmes étaient souvent plutôt mises dans les camps en tant qu'associales ou communistes, mais pas en tant que lesbiennes", explique Dominique. En outre, contrairement à d'autres catégories de déportés, les homosexuels et les lesbiennes n'ont pas bénéficié d'une reconnaissance immédiate de leur statut de victimes. Bien au contraire, l'homosexualité restant criminalisée dans de nombreux pays européens après 1945, beaucoup ont préféré le silence.
Pour enrichir l'exposition, une conférence est programmée ce samedi 20 septembre, à 15h. L'évènement sera animé par Frédéric Stroh, historien-chercheur à l'Université de Strasbourg, qui a contribué à l'élaboration de l'exposition en tant qu'expert alsacien. Il sera assisté par Marie-Claire Vitoux, historienne à l'Université de Haute-Alsace, qui animera les débats avec le public. "On espère ouvrir les débats sur la lutte contre les discriminations, l'importance de faire vivre la mémoire. Parce que toute discrimination, aujourd'hui encore, doit être pointée du doigt et on doit rester attentif à ce que ça ne revienne pas", explique Dominique.
Les interviews sont également à retrouver sur les plateformes Spotify, Deezer, Apple Podcasts, Podcast Addict ou encore Amazon Music.
Une association pionnière
L'histoire de cette exposition est indissociable de celle de Colm'Arc-en-Ciel, association qui porte le projet avec détermination. Née il y a deux ans et demi d'une réflexion collective, elle est devenue la première association LGBTQIA+ du Centre Alsace. Son siège colmarien rayonne aujourd'hui au-delà de la ville, fédérant près de 130 membres. "Cela prouve que cela répondait vraiment à un besoin", ajoute Dominique. Si l'exposition constitue un temps fort de l'action de l'association, elle ne résume pas à elle seule son activité. Elle s'engage notamment dans la lutte contre les discriminations, notamment dans le milieu scolaire. "On intervient dans des établissements scolaires à leur demande, on fait des sorties à pied dans les Vosges, on propose des ateliers pour Noël ou encore des sports collectifs. On a aussi un sous-groupe qui s'occupe des personnes en demande d'asile pour des questions d'orientation sexuelle. Notre mission première est de sortir les gens de l'isolement", affirme la membre de l'association. L'évènement phare reste l'apéro queer organisé tous les mois, dans différents bars de Colmar et des environs.
Concernant l'exposition, Dominique espère que "le public qui viendra la regarder sera à la fois nombreux et varié, que ça puisse toucher aussi bien des personnes qui aiment l'Histoire que des personnes qui sont sensibles à la lutte contre les discriminations".
Informations pratiques :
Du 15 au 29 septembre
Pôle Média Culture Edmond Gerrer - 1, place de la Montagne Verte 68000 Colmar
Entrée libre
Propos recueillis par Anaïs Follenius / Crédit photo : Document remis