A l’approche des élections municipales de mars 2026, quelques changements sont à prévoir dans les communes de moins de 1 000 habitants. Une loi adoptée en mai dernier va pour la première fois leur imposer un scrutin de liste paritaire, à la proportionnelle. Les maires de Bootzheim, Luttenbach, Neuve-Eglise et Rustenhart se confient sur ces changements.
La parité renforcée au sein des conseils municipaux. Une nouvelle loi en ce sens a été adoptée en mai dernier, en vue des prochaines élections qui se tiendront les 15 et 22 mars 2026. Comme c’est le cas dans les autres communes depuis 2014, les villages de moins de 1 000 habitants devront eux aussi tenir un scrutin paritaire. Lors de la dernière échéance de 2020, 42,4% de femmes siégeaient au sein des conseils municipaux. Une moyenne qui chute à 37,6% dans les communes de moins de 1 000 habitants. Outre la parité, la loi du 21 mai 2025 implique également la tenue d’un scrutin proportionnel et la fin du panachage. Ce système, qui autorisait de rayer le nom de certains candidats pour les remplacer par d’autres, ne permettait pas de respecter une alternance homme - femme. Entre évolution de la société et difficultés à recruter, les élus se sont livrés sur leur ressenti.
Clément Rohmer, « je me sens à l’aise avec la parité »
La commune de Bootzheim, située dans le Ried de Marckolsheim, avait pris un peu d’avance en matière de parité. Lors de son élection en 2020, le maire Clément Rohmer avait déjà présenté une liste équilibrée, composée de sept hommes et sept femmes. « Ce n’était pas une volonté au départ. Les choses se sont présentées tout naturellement. Au fur et à mesure de mon avancée dans la complétude de cette liste de candidats, je me suis aperçu que ce serait super si la parité pouvait être respectée », confie le maire de ce village de plus de 800 habitants. Une attention à l’équilibre a également été portée sur les postes d’adjoint. Pour Clément Rohmer, « il est nécessaire de s’entourer d’autant d’hommes que de femmes ».
Cette parité n’avait pas toujours existée à Bootzheim. En 2008, lors de son arrivée au conseil municipal, seules cinq femmes figuraient parmi les élus. « Ce n’était pas du tout dans l’ère du temps », se souvient Clément Rohmer. Mais au-delà du respect de la parité, c’est une autre difficulté que déplore le premier édile : « C’est aussi une contrainte du nombre de candidats ». En cette période de campagne, la recherche de colistiers, homme ou femme, se montre « laborieuse ». Lors du mandat actuel, marqué d’une intense actualité, « l’engagement des collègues a été mis à rude épreuve », fait part le maire de Bootzheim.
Bernard Reinheimer, « pourquoi changer ce qui marche ? »
A Luttenbach, commune d’environ 800 habitants dans la Vallée de Munster, Bernard Reinheimer entame son second mandat de maire avec une approche pragmatique de la nouvelle obligation de parité. Elu en 2020, le maire avait présenté une liste de neuf hommes et six femmes. Au moment du vote de cette nouvelle loi, Bernard Reinheimer avait été sollicité par l’association des maires 68 pour donner son avis. Sa réponse : « Pourquoi changer ce qui marche ? ». Par ailleurs, le maire se dit « conscient » que « les jeunes femmes ont encore des obligations qui les rendent moins disponibles ».
Malgré ses réserves, le maire de Luttenbach ne rencontre pas de difficultés majeures pour constituer sa liste 2026. Un homme du conseil municipal actuel ayant décidé de s’arrêter, la place s’est naturellement libérée. « Je crois qu’on a une certaine dynamique », se réjouit le maire, précisant avoir même été contacté par certaines candidates. Ce dernier conclut en affirmant qu’« il ne faut pas que les Parisiens décident toujours tout tout seul, il faut tenir compte des villages ruraux comme nous ».
Alexandre Krauth, « c’est un challenge pour nous »
L’application de cette loi rebat notamment les cartes à Neuve-Eglise, dans la Vallée de Villé. Le conseil municipal de ce village d’environ 600 habitants est composé de quatre femmes pour neuf hommes. « C’était au moment de la constitution de la liste. On était ouvert entre les anciens qui reprenaient, avec qui on a envie de travailler. Déjà dans l’ancien conseil municipal, les hommes étaient majoritaires », explique le maire, Alexandre Krauth. Selon le premier édile, cette obligation va « être compliquée à mettre en œuvre » au sein d’une société qui demeure « un peu patriarcale ». Alexandre Krauth constate : « Le droit de vote des femmes n’a pas encore 100 ans ».
Face à l’application de cette loi, Alexandre Krauth se montre taquin. « Les personnes qui l’ont voté n’ont pas la parité. [...] On a moins de 40% de femmes, que ce soit au Sénat ou à l’Assemblée Nationale ». Dans son village, l’heure est maintenant au « challenge » pour constituer sa liste. « C’est une approche nouvelle que je salue. Après, il faut trouver les personnes volontaires pour s’engager pour six ans », explique le maire de Neuve-Eglise.
Frédéric Giudici, « les femmes sont les piliers d’un couple »
A Rustenhart, village de quelque 950 habitants, le maire Frédéric Giudici se prépare aux élections municipales avec cette nouvelle contrainte. Élu maire en 2018 après la démission de son prédécesseur puis réélu en 2020, il avait déjà présenté une liste paritaire, de sept hommes et sept femmes. « C’était plutôt une chance qu’un choix », confie-t-il. Aujourd’hui, la situation se complique, la plupart des membres du conseil municipal s'arrêtent. « C’est déjà difficile de faire une liste tout court », reconnaît le maire. Selon lui, l’engagement municipal représente un frein pour beaucoup, particulièrement pour les femmes qui, souvent « pilier du couple », cumulent travail et gestion familiale. « Une femme peut faire trois choses, un homme a déjà du mal à faire une chose », plaisante-t-il, avant d’ajouter plus sérieusement que les femmes sont « peut-être plus sensibles » aux critiques inhérentes à la fonction d’élu.
Si Frédéric Giudici estime que la parité est « philosophiquement une très bonne idée », il souligne la difficulté de sa mise en œuvre dans les petites communes. Il finit par ajouter : « C’est une décision de couple », estimant que l’engagement doit être soutenu par les deux conjoints.
Une mise en place progressive
Avec l’application de cette nouvelle loi, l’ensemble des communes françaises seront assujetties à la parité dès les prochaines élections municipales. Pour en arriver là, de nombreux textes ont été adoptés progressivement au cours des 25 dernières années. Marcel Bauer, élu maire de Sélestat en 2001, est l’un des témoins de ces évolutions. Le 06 juin 2000, une première loi avait été adoptée pour faire respecter la parité par tranche de six candidats dans les communes de plus de 3 500 habitants. De quoi faire bondir la part de femmes au sein des conseils municipaux de 21,7% en 1995 à 33% en 2001. Une avancée limitée. « Il n’y avait pas d’ordre. [...] Certaines femmes ont accepté d’être sur la liste, sachant qu’elles ne souhaitaient pas entrer au conseil municipal. C’était un soutien », raconte le maire de la cité humaniste.
Cette loi a finalement été renforcée en 2007, avec l'obligation d'une stricte alternance homme - femme, toujours dans les communes de plus de 3 500 habitants. Plus récemment, la parité devait être également respectée au sein des postes d'adjoints. Une mesure qui s’est avérée plus difficile à appliquer. « Certains hommes devaient accepter de ne pas être reconduits comme adjoints. C’était une difficulté puisqu’il fallait négocier avec mes collègues qui étaient déjà en poste », se rappelle Marcel Bauer. Mais ces textes n’ont pas réglé toutes les inégalités. Les femmes occupent encore moins souvent des postes proches de la fonction de maire. En 2020, seuls 33,5% des 1ers adjoints étaient des femmes.
Marcel Bauer, « ce n’est pas évident »
Le scrutin paritaire sera finalement harmonisé à l’ensemble du territoire français lors des élections municipales 2026. Une évolution qui ne fait pas l’unanimité. « J’ai eu l’occasion de discuter avec certains maires de petites communes. Ce n’est pas évident », dévoile le maire de Sélestat. Marcel Bauer reste cependant optimiste : « Une fois que c’est en place, les gens s’adaptent ».
Des points de vigilance sont tout de même relevés. Selon Marcel Bauer, l’application de cette loi pourrait entraîner d’autres problématiques. « Il risque d’y avoir des gens qui se mettent sur la liste par défaut », confie-t-il. Une situation qui pourrait entraîner davantage de démissions en cours de mandat.
Des listes plus courtes ?
Dans la loi, chaque liste doit comporter au minimum autant de candidats que de sièges à pourvoir, avec au plus deux candidats supplémentaires. Les communes de moins de 1 000 habitants bénéficient toutefois d’une exception. Leurs listes peuvent comporter jusqu’à deux candidats de moins que l’effectif légal.
Retrouvez prochainement sur notre antenne d’autres paroles d’élues. Azur FM vous proposera les témoignages de femmes qui ont décidé de s’engager politiquement, jusqu’à devenir maire de leur commune. A l’issue des dernières municipales de 2020, elles n’étaient que 19,8% en France.
Propos recueillis par Solène Martin et Anaïs Follenius / © Solène Martin et Anaïs Follenius